Le petit texte est issu d'un mémoire de maîtrise soutenu à l'université de Reims il ya quelques années. Vous pourrez trouver ici le sommaire du mémoire (format .doc, 32 ko) et ici le mémoire complet (format .doc, 700 ko environ). Le but de cette page "notre Histoire" est de donner un petit coup de projecteur sur un aspect méconnu de l'histoire de Reims étroitement mélé au mouvement ouvrier et socialiste révolutionnaire...

> Vous pouvez consulter la page des poèmes des socialistes rémois en cliquant ici.

Difficile d'imaginer Reims à la fin du XIXème siècle.
La ville na pas du tout le même visage et la même composition sociologique.

Reims en 1880 est une ville de près de 100 000 habitants. La ville a connu un fort développement démographique du à une immigration "régionale" en provenance des ardennes et de l'Aisne principalement.
La ville de Reims est à l'époque une ville du textile, à l'instar des villes du nord de la France.
30 000 ouvriers sont emplyés dans les "fabriques" de l'industrie lainière. Une industrie particulièrement arriérée et en perte de vitesse notamment par rapport à la métropole lilloise.

La situation sanitaire et sociale est des plus mauvaise.

A la périphérie de la "Reims Bourgeoise", de rééls bidonvilles s'implantent. Particuliérement dans les faubourgs de Laon et de Cérès (futur quartier Jean jaures). Maisons construites à la hâte par les immigrants, absence bien évidemment de politique d'assainissement, salaires de misère... Les épidemies ne sont pas rares et la mortalité très importante.

C'est dans ce contexte que le mouvement ouvrier et socialiste rémois va naître et se développer.

regroupés à la fin des années 1870 dans des "cercles d'études sociaux" et de petits syndicats le mouvement ouvrier va s'extraire petit à petit de cette "gangue" et s'affirmer.

En 1880 à lieu à Reims une très grande grève dans l'industrie textile. (voir une image)
15 000 ouvriers se mettent en grève pour des augmentations de salaire.
La grève va durer 33 jours et se solder par une défaite. La répression va alors battre son plein et cette grève va marquer à jamais le mouvement ouvrier local qui ne va pas se démobiliser mais au contraire devenir très "radical" et révolutionnaire tout en se trouvant marginalisé au sein de la population.

les tendances socialistes sont alors très nombreuses, Blanquistes, allemanistes, possibilistes... les rémois vont hésiter un temps entre le mouvement anarchiste et les "collectivistes" partisans du "Parti Ouvrier" de Jules Guesde.

C'est finalement cette dernière "école" qui va l'emporter même si un fort groupe de tendance "anarchiste" va rester présent et être très actif sur la ville.

Si les rémois ont choisi la tendance "guesdiste" c'est essentiellement sous l'influence d'un militant très dynamique du nom de Etienne Pedron, très proche de Jules Guesde.

Les guesdistes sont des "révolutionnaires", c'est à dire qu'ils ne veulent pas se contenter simplement d'aménagement "économiques" contrairement à d'autres écoles socialistes françaises de l'époque.

Ce sont aussi et surtout des marxistes. Ce sont eux qui vont répandre petit à petit en France les idées de la théorie marxiste du socialisme scientifique s'opposant alors à une certaine "utopie" dans le mouvement ouvrier.

Ce sont aussi les premiers a avoir tenté d'organiser un véritable parti et non pas seulement un club de discussion plus ou moins informel comme c'était souvent le cas à l'époque. Les guesdistes sont les premiers a avoir utilisé en France une carte d'adhérent (voir un spécimen).

Le Parti Ouvrier rémois va se former par le regroupement de 4 "cercles d'études Sociales" dont les noms sont déjà tout un programme !

- "La défense des Travailleurs"
- "les vengeurs des 1er et 2eme cantons"
- "Les égalitaires du 3eme canton"
- "Le groupe d'études sociales du 2eme canton"

Les guesdistes rémois sous l'impulsion de Pedron vont être très actifs.

- Publication d'un journal hebdomadaire, "la défense des Travailleurs" de 1883 à 1884.
(voir la "Une")
- Intervention dans les syndicats locaux
- Création d'une association "matérialiste" de libre pensée (anti-cléricale) destinée notamment à contrecarrer le catholicisme social alors en pleine expansion à Reims. La société organisait notamment les enterrements des militants sans la présence de prêtres et sous le drapeau rouge. (Ce qui était tres mal vu à l'époque !).
- Constitution d'une sorte de chorale socialiste, "la Lyre Sociale", destinée à animer les réunions socialistes et à créer une "sociabilité ouvrière et socialiste.

De nombreuses conférences avec les figures socialistes de l'époque sont organisées. Ainsi, par exemple, en 1881 Louise Michel prend la parole au "cirque" devant 2000 personnes !

La propagande pour la journée de 8 heures, thème central de l'intervention des guesdistes, sera l'occasion lors des premiers mai notamment de mobiliser un certain nombre d'ouvriers rémois pour des manifs et grèves sauvages (le climat de répression est alors très dur il ne faut pas l'oublier..)

Pedron était aussi un"chansonner" il écrivait des poèmes et des chansons.
A une époque une grande partie de la population laborieuse ne savait ni lire ni écrire, la propagande "orale" était fortement développée.
les mots d'ordre, revendications étaient scandées, chantées lors des meetings.
(vous trouverez ici une page regroupant les poèmes des socialistes rémois que j'ai pu receuillir lors de mes recherches)

Pedron devra quitter Reims vers 1887 pour d'obscures raisons liées à la repression policière (les sources ne sont pas très claires à ce sujet). Il s'exilera à Troyes (Aube) où il continuera de militer activement au sein du mouvement guesdiste et dont il deviendra une des figures nationale.

Le mouvement socialistes va alors connaître des hauts et des bas, notamment avec l'arrivée à reims d'un guesdiste du nom de Culine, qui avait du quitter le Nord après sa condamnation avec Lafargue lors de l'affaire de Fourmies.

Ce personnage assez obscure va provoquer une scission dans le mouvement socialiste local en créant sa propre organisation, "l'Avant Garde", regroupant "les déçus du guesdisme et boulangisme". Finalement Culine se raliera a l'organisation socialiste de Vaillant, le Comité Révolutionnaire Central, héritière de Blanqui.

La classe ouvrière rémoise quant à elle, loin des débats entre les différentes écoles socialistes, va donner ses suffrages aux radicaux socialistes. Charles Arnould, libre penseur radical-socialiste entre à la mairie en 1900.

C'est alors à Epernay et sur la montagne de reims, dans le vigoble, que le mouvement guesdiste se développera le plus, notamment autour du journal "le Petit Sparnacien".

A l'aube du XXe siècle comme au plan national, les socialistes rémois vont progressivement fusionner avec les autres écoles socialistes et créer le Parti Socialiste de France.
Les socialistes "révolutionnaires" à reims n'existent alors quasiment plus.
Des heures de gloire des années 1880 il ne reste quasiment rien.

Pourtant Reims a été un bastion du socialisme révolutionnaire et des luttes ouvrières, c'est une histoire et un patrimoine qu'il nous faut nous ré-approprier.