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[Dans ROUGE du 24 Novembre Bras de fer Pourquoi avez-vous fait des 30 000 euros votre revendication principale ? Yannick Langrenez - D’abord, au cours de la négociation, les 30 000 euros sont devenus 25 000 euros. En gros, cela correspond à une indemnité de douze à dix-huit mois de salaire. Après la fuite de Catalina, la société américaine qui avait « racheté » Thomé-Génot, cela correspond à une avance sur récupération des fonds pillés par cette société qui doit être poursuivie en justice. Les trois unions départementales (CGT, CFDT et FO) soutiennent cette revendication et avancent aussi l’idée de réindustrialisation des Ardennes. Comment les ouvriers perçoivent-ils le contrat de transition professionnelle (CTP) ? Y. Langrenez - Le CTP, expérimenté dans le bassin d’emploi de Charleville-Mézières et dans six autres bassins d’emplois en France, est destiné aux licenciés économiques des entreprises de moins de 1 000 salariés. Il fait partie de la loi de cohésion sociale, dite « loi Borloo ». Pour moi, il y a obligation de signer le CTP, car il garantit le dernier salaire pendant un an. En régime « normal », sans ce CTP, un salarié payé 1200 euros se retrouverait avec 800 euros : les licenciés de Thomé-Génot n’ont donc pas le choix. Mais, avec le plan Borloo, il y a des contreparties négatives. Nous ne serons pas demandeurs d’emploi, mais stagiaires de la formation professionnelle, et donc non comptabilisés comme demandeurs d’emploi. Ce qui nous transforme, malgré nous, en arguments électoraux de la droite ! Et le CTP est évidemment beaucoup moins intéressant pour les bas salaires, car les primes ne sont pas intégrées dans les calculs. Comment voyez-vous l’avenir ? Y. Langrenez - On va essayer de faire un mouvement départemental et de devenir une référence dans les luttes. Dans ce mouvement, des gens très différents se sont rassemblés. Nous devons démontrer qu’on peut gagner dans l’unité, qu’on peut rassembler au-delà de la gauche antilibérale. Ce rassemblement doit aller chercher des agents actifs financiers. C’est au capital de payer la protection sociale, la formation et l’investissement. Ce n’est pas dans la poche des salariés - les conseils généraux et régionaux financent la plus grosse part des 25 000 euros -, que l’on doit aller chercher l’argent des primes de licenciement ! La lutte a montré qu’un espace politique s’est ouvert pour s’attaquer au problème. La gauche de la gauche doit rassembler là-dessus. Un meeting de soutien départemental organisé par le collectif pour des candidatures unitaires antilibérales est possible aujourd’hui sur un thème très simple : soutien aux Thomé-Génot ! Propos recueillis par Michel Benne Contrat en trompe-l’œil --------------------------------- 17 Novembres : les CRS en guise de négociateurs (extrait de "Rouge" 2180) Une semaine d'affrontements
Jeudi, vers 7 heures, les CRS investissent l’usine. Dans le reste de la ville, c’est l’état de siège. Une partie des ouvriers est bloquée à l’extérieur de l’usine, derrière les grilles du périmètre. Une cinquantaine d’autres cohabitent dans l’usine avec les CRS. Dans la soirée, les unions départementales CFDT, CGT et FO appellent à un rassemblement de soutien et au départ des forces de répression pour le vendredi à 12 h 30. Vendredi, se rassemblent devant les grilles du périmètre de sécurité, les ouvriers de Thomé restés dans la ville, les habitants et des militants ouvriers venus de tout le département. Les magasins et la poste ont été fermés par les CRS, les trains allant en direction de Charleville ont été bloqués et les parents empêchés d’amener leurs enfants à l’école. Des habitants poussent les grilles et, après trois sommations, un déluge de jets d’eau et de grenades lacrymogènes arrose les manifestants. Les pavés volent. Une, puis deux charges de CRS. Dans l’air irrespirable - le collège sera fermé -, les manifestants refluent, se regroupent en cortège, traversent la Meuse et établissent un barrage devant la statue de J.-B. Clément (communard, socialiste et syndicaliste des Ardennes, auteur du Temps des cerises), en chantant sa chanson et l’Internationale. Vers quatre heures, les CRS quittent la ville, ce qui déclenche des scènes de joie entre habitants et ouvriers de Thomé. Mais l’usine n’est pas ouverte à tous, ordre de l’intersyndicale. C’est dans ce climat extraordinaire que Clémentine Autain (apparentée PCF) et le porte-parole de la LCR, Olivier Besancenot, arrivent. Ils doivent fendre la foule qui les ovationne pour entrer dans l’usine où les attendent les ouvriers et des délégués. Les cris fusent : « V’la le facteur ! », « Toi, au moins, t’a osé venir jusqu’ici », etc. Olivier Besancenot, Clémentine Autain et le délégué CGT s’adressent à la foule de l’intérieur de l’usine. L’intersyndicale attendra leur départ pour annoncer les résultats d’une nouvelle négociation parisienne qui s’est tenue avec les élus ardennais : le compte n’y est pas, rien n’est obtenu concernant la prime de 30 000 euros réclamée par les ouvriers. Michel Benne Compte rendu de la visite à Nouzonville aux Thomé Génot par Olivier Besancenot Vendredi 10. « on est prêt a tout bruler » Rencontre avec les salariés de Thomé-Génot, à Nouzonville, dans les Ardennes. Un moment d’émotion particulier. C’est toujours difficile de rendre compte avec des mots, des visages, des paroles, des regards de ces travailleurs en lutte. C’est d’abord une image. Celle de 200 salariés retranchés dans leur entreprise et épaulés par plus d’une centaine de personnes de la ville, devant les grilles. Des palettes et des pneus brûlent. La tension est dans l’air. La fatigue de jours de lutte se lit sur les visages. La fierté et la colère est dans tout ces regards. La rencontre a été organisée par les militants de la LCR, du Parti communistes, du PRS, du collectif unitaire antilibéral de la ville. Clémentine Autain est aussi sur place. Pour les traditionnelles prises de parole, on nous tend un mégaphone et nous nous retrouvons juché sur une chaise, dans la pénombre. Le silence est pesant au début. Puis applaudissements et cris de révolte se succèdent. Ca reste un moment qui donne la chair de poule. Mais ce que je ne pourrai jamais oublier, c’est la visite de la boite guidée par les salariés, fiers de présenter leur outil de travail. Certains me glissent régulièrement à l’oreille : « Tu sais si ça continue, on est près à tout faire bruler ! ». Quoi de plus légitime quand on sait que ces salariés, accompagnés par leurs familles, l’après-midi même, se sont fait agresser par les gaz lacrymogènes des CRS et des gardes mobiles. Les pouvoir publics traitent donc les ouvriers, comme ils auraient du traiter l’investisseur américains qui a entièrement pillé les caisses de l’entreprise. Il a volé l’argent gagné par le travail des salariés. Un gars m’a dit : « Tu sais Olivier, ça fait 33 ans que je bosse ici, et je me suis jamais plaint, mais si l’Etat et les patrons continuent à nous traiter comme des terroristes, on va le devenir ! ». La prime de 30 000 euros qu’ils réclament n’est encore qu’une goutte d’eau pour les investisseurs américains. Un peu plus révolté que la veille, je rentre sur Paris.
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10 Novembres : les CRS en guise de négociateurs Compte rendu de la journée du 10 novembre : Face à l'absence d'initiatives politiques des organisations politiques de "gauche" du département et au manque de combativité des Unions Départementales nous avons décidé de faire venir Olivier à Nouzonville. L'objectif était d'apporter un soutien politique concret d'une "personalité" nationale dont les travailleurs en lutte
Jean Michel F Pour la LCR08
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ROUGE du 9 novembre : ARDENNES - Licenciements et luttes coordonnées Près de 2 000 emplois directs, dépendants de la filière automobile, sont menacés. Des grèves et des manifestations ont commencé. Dans les Ardennes, les équipementiers et sous-traitants de l’industrie automobile sont en crise. Délocalisation rampante à la fonderie Citroën (Charleville-Mézières), fermeture de Glaverbel (Sedan), où 122 emplois sont en jeu, menaces chez Delphi, licenciements chez Vistéon (340 emplois), et liquidation totale de Thomé Génot (Nouzonville), soit 320 emplois. Le cas Thomé Génot (50 % de la production mondiale d’alternateurs) est scandaleux. L’entreprise, en difficulté financière, a été rachetée par un mystérieux groupe américain (Cataliner). Celui-ci, grâce à des sociétés écrans, a organisé le pillage du groupe. Des malversations directes sont également découvertes. Les dirigeants américains ont disparu, mais la caisse du comité d’entreprise s’est, elle aussi, volatilisée ! Une affaire de vente suspecte de parc immobilier remonte à la surface. Il y a trois semaines, une première occasion de lutte coordonnée a été manquée. Glaverbel, en grève avec occupation depuis quinze jours, a tenté une coordination des entreprises menacées, à l’initiative de la seule CGT. Mais l’Union départementale (UD) a mis son veto, alors que les syndicats étaient prêts à l’action. Résultat : la grève s’est arrêtée, mais les grévistes ont bénéficié d’une prime de départ conséquente. Plus tard, une grève spontanée a éclaté chez Vistéon (CGT et CFDT). Au bout d’une journée et demi, les licenciements sont passés de 500 à 340. Plus tard encore, c’était l’annonce surprise de la liquidation de Thomé Génot, laissant les métallos déboussolés, assommés, sans réaction. Il faut dire que la section CFDT est modelée sur sa fédération. Le mot d’ordre était de ne rien faire pour « laisser ses chances » au repreneur. Alors que des groupes d’habitants allaient discuter spontanément aux portes de l’usine, la LCR et le PS distribuaient un tract commun dans une assemblée générale. Le lendemain, la lutte a démarré, l’intersyndicale CFDT-CGT-FO étant dopée par une base en colère. Les opérations coup-de-poing ont eu lieu, de jour comme de nuit : encerclement de la préfecture, de la cité administrative, du centre de tri de la gare, blocage des trains, des magasins Carrefour et Cora, des bus départementaux. Les UD CGT et FO appellaient à une journée Ardennes mortes le vendredi 3 novembre. La FSU, la CFTC et SUD appellaient de leur côté. Mais la CFDT a saboté la mobilisation. La lutte s’est focalisée sur une exigence de 30 000 euros pour un départ dans la dignité. La journée fut un demi-succès (1 500 personnes), mais elle n’entrava pas la détermination. Il est désormais question d’une « montée » à Paris. Les salariés de Thomé Génot ont fixé un ultimatum au gouvernement pour mercredi 8 novembre, avec pour slogan : « Tremble Sarko, 300 sangliers sont sortis des bois ! ». Lundi 6 novembre, le collectif pour des candidatures antilibérales organisait un débat public à la mairie de Nouzonville, en soutien à la lutte. Michel Benne |
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